dimanche 26 mai 2013

Dis Papa, c'était quoi le patriarcat ?

De ma prestigieuse visiteuse, un autre cadeau dont je recommande absolument la lecture : le livre ci-dessous particulièrement jubilatoire qui décrit le patriarcat à peu près comme une parenthèse bientôt refermée dans l'histoire de l'humanité.
 Génial !

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D'autre part, elle évoque aussi les femmes perdues dans l'espace-temps.
Extraits :

"Aujourd'hui encore, les chercheurs n'accordent même pas à Marie-Madeleine Scudéry la maternité de son Grand Cyrus, au motif que son frère lui aurait servi de chaperon ! La malheureuse traîne encore ce Georges dont tout le monde sait très bien, pourtant, qu'il n'y est pour rien - il l'a dit lui-même et a par ailleurs fait oeuvre, lui aussi. Quant à "Pierre et Marie Curie", ne serait-il pas temps d'inverser l'ordre de la préséance ? Ne serait-ce que parce que M est avant P dans l'alphabet, si on ne veut pas honorer la découvreuse ?
Dans le Bedside companion to the history of Western Art, on apprend grâce aux Guerrilla Girls que Maria Robusti avait accepté comme si elle trouvait cela normal de peindre sous le nom de son père, le Tintoret. Lequel fut bien marri quand elle mourut prématurément en couches, car le niveau de la peinture du Grand Artiste baissa alors sensiblement (Guerrilla Girls, 1998 : 33-34). Faut-il vraiment, après cela, continuer à se lamenter sur le deuil du maître, qui y aurait perdu jusqu'à son coup de pinceau ? Pourquoi tout le monde fait-il encore semblant d'ignorer que les "grands maîtres" étaient les patrons des agences de communication de l'époque, en négociant les contrats, en faisant tourner la boutique et en organisant le travail des autres ?
Rembrandt a eu l'honnêteté de ne pas le cacher, comme le souligne Svetlana Alpers dans L'atelier de Rembrandt. La liberté, la peinture et l'argent. Au début du XXe siècle, Clara Driscoll signe encore "Tiffany" toutes les lampes qu'elle crée avec son atelier féminin : il faudra que Margi Hofer (2007) porte un regard dessillé sur Tiffany pour révéler ce fait d'évidence. Les fauteuils Le Corbusier sont en réalité des fauteuils Charlotte Perriand. L'artiste Christo condense sous son nom les artistes Christo et Jeanne-Claude. Et ainsi de suite....

(...)

Le patriarcat est une pieuvre aux mille fins tentacules ; couper au hasard une de ses pattes ténues, celle du Nom par exemple, ne servirait qu'à susciter la repousse de deux autres. Non ! Il faut pénétrer le cerveau de la bête, l'organe central, pour saisir dans toute son étendue le fonctionnement de cet organisme prédateur."

(Dis Papa, c'était quoi le patriarcat ? Anne Larue, éditions iXe, 2013)

Ajout de 21.40 : incroyable ! Un livre d'Anne Larue a été censuré en 2010 ! Voir la vidéo :   
Quart d'heure de célébrité d'Anne Larue von enquete-debat

2 commentaires:

  1. Effectivement, les ateliers de Georges de La Tour, du Tintoret et d'autres étaient peuplés de peintres et peintresses de talent, signés de la main du Maître. Ce qui veut dire "œuvre de l'atelier de Georges de la Tour", pas qu'il en a brossé et peint toutes les toiles ! Ses œuvres ne sont d'ailleurs pas signées. Mais la simplification de l'histoire et l'effacement des femmes font que plus personne ne le sait... ou ne veut le savoir.

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    1. Pour Le Tintoret, c'est apparemment sa fille qui est à l'origine de ses meilleures oeuvres.
      Donc quand on célèbre le "grand" Tintoret c'est sa fille qui devrait être célébrée !
      Et pour les autres, oui, on devrait plus souvent dire "atelier de".

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