samedi 15 décembre 2012

Mirhimah et le sultanat des femmes

Fichier:Tizian 121.jpg

(Mirhimah peinte par Le Titien)

L'exemple de Roxelane fit des émules. Elle eut d'ailleurs une fille avec Soliman et celle-ci, du nom de Mirhimah, mariée au grand-vizir de son père, accompagna ce dernier dans ses voyages (c'est peut-être là qu'elle a été peinte par le Titien), s'intéressa beaucoup à l'art et à l'architecture et semble avoir eu un pouvoir important sous Sélim II ainsi qu'après son court règne. Fort de son apport féminin, l'empire ottoman, actuelle Turquie moins quelques possessions en Europe et au Moyen-Orient, aménagea un peu plus de pouvoir aux femmes pendant une période longue de 130 ans, période appelée "Sultanat des femmes". Des mères, voire des grandes-mères de sultan comme Kosem Sultan (1589 – 1651) qui fut l'une des rares femmes de l'histoire à diriger officiellement et seule un Empire musulman, gouvernèrent au nom de leurs enfants ou petits-enfants.

Comme d'habitude, on a là des femmes qui ont gouverné par défaut. Elles n'ont pas été véritablement reconnues comme cheffes, ce qui leur aurait permis d'avoir une autorité égale aux sultans et de brider par là même l'apparition de factions masculines rivales occupées à d'incessantes intrigues, ce qui est toujours le corollaire d'un pouvoir dit "faible" c'est à dire soit pas vraiment légitimé soit exercé par une personne incompétente.
Non, il faut que l'on puisse prouver qu'elles ne sont pas à la hauteur et leur autorité un pis-aller. Il faut aussi empêcher qu'il y ait impossibilité à l'une de ces factions masculines de reprendre le pouvoir.

Néanmoins avant le sultanat des femmes de l'empire ottoman, il y avait déjà eu de grandes sultanes.

La première sultane qui gouverna en son propre nom dans le monde (avant elle des sultanes régentes gouvernèrent pour leurs fils en bas âge) est probablement Sultanat Razya (1236 – 1240) du sultanat de Delhi. Elle fit établir écoles, académies, centres de recherches et bibliothèques publiques.
Plus tard, il y eut Chand Sultanat, plus connue sous le nom de Chand Bibi dont j'ai déjà parlé ici, qui fut régente du pays de son mari, le Bijapur de 1580 à 1590 puis régente de son pays natal, l’Ahmednagar entre 1596 et 1599.

Certaines femmes voulurent se faire appeler "Sultan" comme un homme c'est le cas de Kösem et de Razya mais l'histoire les appelle quand même pour certaine "Sultanat" (et pas "Sultane", bizarrement) c'est à dire concubine de sultan.

Pour en revenir à la polygamie abordée sur le billet précédent, je voulais aussi faire remarquer que la polygamie "sultanesque", disons, n'est rien d'autre qu'une monogamie aménagée, en fait puis qu'il y a hiérarchie entre les épouses : femme n°1, n°2, etc..., et que la favorite est la seule à être autorisée à garder ses fils (eh oui peut être Soliman a t-il eu plus de 14 enfants mais ces derniers n'étaient pas autorisés à vivre n'étant pas de la favorite) et, donc, il y a monogamie cachée, tout compte fait.
Conclusion : le débat sur la polygamie n'a aucune raison d'être associé au débat du mariage pour tous. 

15 commentaires:

  1. Ton dernier paragraphe : donc, ils tuaient les rejetons mâles de leurs secondes épouses et suivantes ? Comme dans l'élevage ?
    Les femmes gouvernent toujours par défaut, j'en ai peur ; ai trouvé cette petite perle sur un site agricole, à propos de Corinne Lepage, élue européenne, ex-ministre, avocate expérimentée en environnement ; on parle d'elle exclusivement au masculin, et on demande bel et bien à la faire remplacer par un mec ! Sous des prétextes assez futiles, José Bové n'est pas un ami des agro-carburants -bien qu'il ait sacrément mis de l'eau dans son vin, les mecs vieillissant assez mal en cave, apparemmment :-\\ Ah, l'agriculture ! Ils valent bien les sultanats du 13ème siècle et suivants. Indécrottables.

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    1. Mince, j'ai oublié le lien :
      http://wikiagri.fr/articles/les-biocarburants-dorigine-agricole-devront-faire-face-aux-a-priori-de-corinne-lepage/365

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    2. Oui, si c'était un fils, on ne nouait pas le cordon ombilical de l'enfant. Je ne sais pas à quelles atroces souffrances cette mort conduisait mais c'est comme cela qu'ils procédaient ! En Europe les "bâtards" (ce nom n'était pas péjoratif à l'époque) étaient quand même autrement mieux traités. Non seulement, ils avaient le droit de vivre, mais les fils de concubine noble, servante ou même simple paysanne recevaient titres et charges à la cour, les filles étaient mariées à des nobles.

      Ah oui, Corinne Lepage, c'est vraiment la femme à abattre pour certains ! On vit toujours dans l'Ancien Régime, sultanat des femmes et régence de Catherine de Médicis compris, absolument !

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  2. Ne connaissant pas grand-chose sur ce sujet, je te lis, j'apprends, simplement. Bonne soirée, Euterpe.

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    1. Merci beaucoup de ton passage, Tania. Belle journée chez toi !

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  3. A l'école en France on passe loin de ces belles histoires orientales. Euterpe, moi j'aime bien. Bonne nuit.

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  4. "Non, il faut que l'on puisse prouver qu'elles ne sont pas à la hauteur et leur autorité un pis-aller." C'est tellement vrai encore actuellement ici en France où derrière l'autorité d'une femme on cherche toujours l'homme qui l'aurait inspirée.

    On a fait quelques exceptions comme pour Alliot Marie par exemple car elle portait toujours ( ou presque) des costumes comme ceux des hommes, symbole de l'autorité et d'une "classe" supérieure.

    Le filtre au travers duquel vous décortiquez l'histoire éclaire beaucoup de choses. Je ne connaissais pas vraiment l'historique de ces "sultanat" et comme d'habitude c'est très instructif.

    Le lien d'Hypathie sur Corinne Lepage est un condensé de propos fallacieux et stupides d'expansionnistes patentés . C'est une femme honnête intelligente et courageuse
    Mais il faut dire qu'un certain milieu agricole est plus proche des thèses du FN que de ceux du FDG et qui ne fait jamais dans la dentelle quand il s'agit d'environnement.

    Merci Euterpe, chaque fois qu'on visite votre blog on mesure à quel point la route est encore longue et semée d'embûches pour qu'on prête (sans même parler de donner)les mêmes "vertus" qu'aux hommes.

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    1. Oui, en France, on dit que Merkel n'aurait aucun mérite, ce serait Schröder qui aurait préparé les "meubles" dans lesquels elle se serait installée ! C'est tellement faux que Merkel a déjà été réélue une fois pour ses mérites personnels et le sera une seconde fois l'année prochaine pour ces mêmes mérites car c'est une bosseuse (comme Ségolène Royal) pas une hâbleuse.
      Pour Alliot-Marie, oui, c'est pour cela que je conseille aux femmes d'adopter des vêtements de sexe indéterminé !

      Pour ce qui est des sultanes, nous en avons la perception de femmes lascives uniquement occupées à concourir entre elles dans l'exercice de leurs charmes sur leur sultan commun. Cela vient de l'image que romans, médias et autres nous donnent d'elles.
      Mais en creusant un peu, on s'apercoit qu'elles avaient les mêmes difficultés que nos reines et princesses pour ne pas être cantonner dans ce rôle-là ni être contraintes à faire de la figuration dans le domaine politique !

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  5. Je fais comme Tania et Lucno, merci Euterpe.
    Me coucher chaque soir un peu moins sotte!

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    1. J'espère alors que tu n'en dors que mieux, Colo ! ;)

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  6. @euterpe :désolé de jouer les trolls, ce message n'ayant aucun rapport avec ton billet, mais je n'ai pas trouvé la case contact ici pour m'adresser ta boite mail... Il a encore recommencé... tu sais de qui je veux parler ? ça recommence... Il a encore frappé... Solidarité avec notre ami steph, de DPP ! http://www.jegoun.net/2012/12/le-blogueur-du-front-de-gauche-boit-il.html?utm_source=twitterfeed&utm_medium=twitter

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  7. Merci de m'avoir prévenue, GdeC !
    Il faudrait empêcher une fois pour toute ce sinistre personnage de nuire, c'est intenable, à la fin !

    (Non, je n'ai pas de boîte mail sur mon blog car je n'en ai pas encore installée).

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  8. Merci pour ce beau billet, très instructif comme vos portraits précédents.

    Par ailleurs ayant lu l'histoire des femmes scientifiques d'Eric Sartori (j'imagine que vous connaissez) savez vous s'il existe des documents sur des femmes scientifiques en dehors de l'Europe ?(moyennent le fait que la définition de science et de chercheur n'est pas forcément universelle, tout ça, tout ça).

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    1. Merci Lachesis. Je suis allée faire un petit tour sur votre blog et je dois dire que j'aime aussi beaucoup !
      En ce qui concerne les femmes scientifiques en dehors d'Europe, je suis encore en pleine investigation et je ne désespère pas de faire de nouvelles découvertes car je viens de rencontrer une historienne spécialiste du Moyen-Orient et des pays de langue arabe qui a aussi travaillé sur les questions de gender. Mais nous n'avons pas encore beaucoup échangé d'infos, faute de temps. A partir de janvier j'en saurais plus (j'espère).

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