lundi 8 novembre 2010

Louise Bourgeois, obstétricienne




Louyse Bourgeois naît à Paris en 1563, de parents aisés. Elle épouse un chirurgien des armées du roi, ancien élève d'Ambroise Paré, Martin Boursier, le 30 décembre 1584. De cette union naîtra cinq enfants.
Les guerres civiles (guerre de religion) viennent troubler le bonheur des Boursier et les précipitent dans la gêne. Louise décide d'apprendre le métier de sage-femme. Son mari lui ayant donné les premières notions d'anatomie, elle se met à étudier Ambroise Paré. Elle écrira :

"Une honneste femme qui m'avoit accouchée de mes enfans, qui m'aymoit, me persuada d'apprendre à estre sage-femme*, et que si elle eust sceu lire et écrire comme moy, qu'elle eust fait des merveilles, que le cœur luy disoit que si je l'entreprenois, je serois en peu de temps la première de mon estat (...). "

Louise pratique cinq ans dans les milieux humbles avant d'être reçue jurée au Châtelet le 1er novembre 1598. Le mérite porte toujours ombrage, et ce ne fut pas sans difficultés qu'elle obtint ses grades. Le jury de réception se composait d'un médecin, de deux chirurgiens et de deux sages-femmes. Louise Bourgeois : « Les deux sages-femmes étoient la dame Dupuis et la dame Peronne ; elles me donnèrent jour pour aller les trouver ensemble, elles m'interrogèrent de quelle vocation étoit mon mary ce que sachant, elles ne vouloient pas me recevoir, au moins madame Dupuis, qui disoit à l'autre : Par Dieu, ma compagne, le cœur ne me dit rien de bon pour nous ! Puisqu'elle est femme d'un surgean (chirurgien), elle s'entend avec ces médecins comme coupeurs de bourses en foire ; il ne nous faut recevoir que des femmes d'artisans qui n'entendent rien à nos affaires. Elle me disoit (la dame Dupuis) que mon mary me devoit nourrir sans rien faire ».
Elle obtient néamoins le diplôme et les trois années qui suivirent, Louise exerce dans tous les milieux de la capitale.
En 1601, la reine Marie de Médicis est enceinte. Le roi avait désigné la Dupuis comme sage-femme mais il déplaisait fort à la reine d'être assistée par celle qui avait accouchée la maîtresse du roi. De recommandation en recommandation, Louyse devient l'accoucheuse de Marie de Médicis. Elle est si appréciée qu'elle sera la première à se voir octroyer le droit de porter un chaperon de velours (1606), insigne de sa charge, alors que les deux sages-femmes de Catherine de Médicis n'avaient eu droit qu'au collet et à une chaîne d'or. A la naissance de son sixième enfant, Henri IV lui fait une pension de trois cents écus.
Le 29 mai 1627, Marie de Bourbon-Montpensier, épouse de Gaston d’Orléans, frère du roi, meurt en donnant naissance, après un accouchement laborieux, à la Grande Mademoiselle, Anne-Marie d’Orléans. Une autopsie est pratiquée par les chirurgiens en présence des médecins du Roi ; selon leur rapport, des morceaux de placenta sont restés dans l’utérus ; ils accusent la sage-femme de négligence. Louise Bourgeois riposte par un petit livre " Apologie de Louise Bourgeois, dite Bourcier, sage femme de la reine mère du Roi, et de feu madame", Paris, Mondière, 1627, où elle défend ses connaissances et son savoir-faire.
Louise Bourgeois est la première sage-femme qui ait écrit des livres sur sa pratique, en donnant des conseils d’hygiène obstétricale et en montrant la nécessité d’une déontologie professionnelle.
"Observations diverses sur la stérilité, perte de fruict, fécondité, accouchements et maladies des femmes et enfants nouveaux naiz" (publié à Paris chez A. Saugrain en 1609 (dédié à Marie de Médicis puis chez Melchior Mondière en 1626 et 1642).
- "Instruction à ma troisième fille, qui a choisi et élu l’art d’être sage-femme, et qui peut servir à toutes autres, où se peut voir plusieurs choses remarquables sur divers sujets, même pour les accidents qui arrivent par quelques sages-femmes, et par le choix indiscret des nourrices, et par l’indiscrétion de plusieurs jeunes femmes grosses. Et l’erreur qui peut arriver sur le jugement de la grossesse d’une femme", Paris, 1609.
"Récit véritable de la naissance de Messeigneurs et Dames les enfants de France" Paris, M. Mondière, 1626, dans lequel se trouvent des anecdotes sur la naissance de Louis XIII et des autres enfants d'Henri IV.
- Puis en 1635 elle fait paraître "Recueil des secrets de Louise Bourgeois". Enfin du même auteur parut en 1689 "Le chemin frayé infaillible aux accouchements, qui servira de flambeau aux sages-femmes le tout enrichi de diverses figures".
Louise Bourgeois meurt à Paris en 1636.
Le souvenir de la mort malheureuse de la Duchesse d'Orléans, survenue en mettant au monde celle qui allait être la Grande Mademoiselle, devait pourtant plus tard inciter Louis XIV à appeler auprès de Madame de Montespan et de Madame la Dauphine le chirurgien Clément. Le règne des accoucheurs, jusque là écartés pour des raisons de décence, commence.

(*Dès 1560, les sages-femmes sont rattachées au Collège de Chirurgie, qui leur décerne un diplôme après un examen passé devant les maîtres de cette corporation).

4 commentaires:

  1. Non, non et non! (merci pour ce billet sur Louise Bourgeois quand même ;-) ) mais là je m'insurge! Marie de Médicis a fait appel bien avant son petit-fils à un chirurgien et elle l'a vite préféré à Louise Bourgeois. Cela ressort clairement de sa correspondance (non publiée) citée dans la dernière biographie qui lui a été consacrée par JF Dubost. D'ailleurs, elle recommandait son chirurgien autour d'elle en disant en gros qu'elle le préférait à plusieurs sages femmes réunies...

    Rien à voir mais dans les ouvrages de Louise Bourgeois, il faut lire les conseils donnés à sa fille qui se destinait au même métier: en gros laisser plutôt mourir les prostituées plutôt que de les accoucher parce que cela faisant on risquait d'attraper des maladies "honteuses" (comme on disait) et c'est ainsi, raconte-t-elle, qu'une dame a attrapé une telle maladie ce qui sema le trouble dans son ménage, la dame accusant à tort l'époux... ;-)

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  2. Je ne suis pas forcement d'accord pour dire que le règne des accoucheurs commence sous Louis XIV.

    Si ma mémoire est bonne, les sages-femmes ont continué à faire autorité par la suite (on en tire de grands noms comme Madame Lachapelle ou Madame du Coudray), certaines écrivant tout de même les premiers vrais manuels d'obstétriques modernes qui seront repris par Baudelocque par la suite ...

    En tout cas merci beaucoup pour ce billet superbe (on ne parle jamais assez de Louise Bourgeois !) mais il serait bien de parler de la façon dont elle a elle même parlé du rapport des sages-femmes de l'époque avec la guerre de religion et la façon dont le Pape a voulu tacler les réformés en obligeant les sages-femmes à être toutes catholique apostolique romaine.

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  3. Je ne suis pas historienne, mais j'ai entendu que c'est Louis XIV qui, voulant regarder accoucher ses maîtresses, a fait soulever les draps et les jupons des parturientes sous lesquels elles accouchaient par pudeur (!!), et qui a permis ainsi de faire progresser l'obstétrique (ben oui, pour comprendre, il faut observer !). Aujourd'hui encore, le statut de sage-femme est médical et non para-médical. Elles ont le droit de prescrire. Merci en tous cas pour ce billet.

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  4. A la souris des Archives : je reconnais ne pas tant en savoir sur elle (merci pour les compléments d'information ;)). J'ai surtout une vue d'ensemble de l'exercice de la médecine par les femmes jusqu'à nos jours, du moins d'après les recherches faites jusqu'à présent, ce qui n'est pas grand chose (mais quand même). Néanmoins lorsqu'on considère le tapage fait autour d'un Calvin qui a fait brûlé nombre de gens pour sorcellerie au point que la plupart des Suisses ont boycotté l'année dernière l'"année Calvin", ou un Napoléon qui a rétabli l'esclavage, quelles que soient les erreurs de cette dame, il ne serait que justice alors, par rapport à ces messieurs tant célébrés, bien que moins irréprochable encore, de lui rendre hommage ne serait-ce que pour avoir écrit tant de choses sur la profession! Ce n'est déjà pas mal !!

    A Gromitflash : probablement que l'on ne parle pas trop d'elle parce qu'elle a dénoncé ouvertement la pression des religieux...mais je dois décidément me documenter un peu plus, car personnellement, j'ai surtout retenu les conseils à sa fille et un peu raté le reste. Je dois revoir ma copie!

    A Hypathie : j'ai un peu du mal avec cette description de Louis XIV par trop apologétique quand on sait ce qu'il en est des sages-femmes en France.
    Car le statut de la sage-femme francaise "diminutif du médecin" comme disait je ne sais plus qui, n'est pas universel. En Allemagne, une femme est AUTORISÉE (il faut une autorisation pour cela aujourd'hui, je le souligne) à accoucher avec deux sages-femmes, sans présence aucune d'un médecin.
    Pour moi cela en dit long sur la manière dont les hommes se sont encore appropriés, avec ou sans Louis XIV, un domaine qu'ils ne supportaient pas de ne pas contrôler.

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